samedi 9 octobre 2010

Quelle matrice BCG pour la France ?



Aujourd'hui, c'est dimanche, alors faisons un peu de marketing pour changer. Je me suis amusé, dans le cadre de mes cours et lorsque j'évoquais la matrice BCG, à proposer à mes étudiants d'appliquer cette matrice à "l'entreprise France". Même si l'exercice est perçu comme galvaudé par les puristes du marketing, il m'a semblé assez riche d'enseignement pour l'évoquer ici.

Avant d'aller plus avant et de vous livrer mes impressions sur ce travail, je vous propose un petit rappel (ou une introduction pour les novices) concernant la matrice dite du BCG. Cette matrice, utilisée en marketing stratégique, a été proposée par le Boston Consulting Group afin de simplifier le diagnostic et les préconisations stratégiques relatives aux domaines d'activité stratégique d'un groupe. En effet, dès lors qu'une entité se trouve en situation de gérer plusieurs activités (Ex : Veolia, Hachette, Tata, etc.), la grande question qui se pose à l'équipe dirigeante est de savoir quels sont les domaines sur lesquels ils doivent investir et quels sont ceux qu'ils doivent abandonner, maintenir ou resegmenter ; l'idée est également de vérifier que le portefeuille d'activités de l'entreprise est équilibré. Ainsi, quatre grandes catégories de DAS (domaines d'activité stratégique) peuvent être identifiées, correspondant chacunes à des caractéristiques et des préconisations claires et opérationnelles :
- les vaches à lait sont les DAS du groupe pour lesquels il existe une situation de leadership ; ce sont des activités très rémunératrices, qu'il faut maintenir dans le portefeuile d'activités en limitant les investissements.
- les poids morts sont les DAS vieillis ou les échecs du groupe qui n'ont pas réussi à s'imposer sur le marché ; ils coûtent peu ou rien et peuvent être soit conservés (dans un but social ou pour gêner la concurrence) soit abandonnés.
- les dilemmes sont les DAS sur lesquels il convient de se positionner, car ils sont sur des secteurs en forte croissance, mais le groupe n'y est pas leader ; ainsi, la préconisation BCG est de les abandonner, d'investir fortement pour devenir leader ou de les segmenter pour en développer une partie seulement.
- les vedettes (stars) sont les DAS dont le marché est en forte croissance et pour lesquels le groupe est leader ; ils deviendront à terme les vaches à lait du portefeuille d'activités (lorsque la croissance du marché ralentira) ; la préconisation est ici de les maintenir ou d'y investir pour asseoir le leadership.
En image, la matrice BCG ressemble à ça.

Mon but n'est pas ici de vous faire un cours sur la matrice BCG, alors j'en viens au fait ; appliquée à l'entreprise France, la matrice BCG pourrait être représentée de la façon suivante (la part de chaque DAS dans le CA n'est pas prise en compte):


On aurait alors :
- La Santé et la Défense nationale classées parmi les vaches à lait,
- Le Social, l'Education/Formation, et la Police/Sécurité classés parmi les vedettes,
- La Recherche, l'Environnement et la Culture classés parmi le dilemmes,
- Le Sport et les Affaires étrangères classés parmi les poids morts.
Bien évidemment, ce classement est tout à fait sujet à débat, mais il me permet d'aller plus avant...

Ainsi, si l'on suit les préconisations de la matrie BCG, l'entreprise France devrait :
- éventuellement abandonner les affaires étrangères et le sport,
- faire des choix d'investissement, d'abandon ou de segmentation concernant la recherche, l'environnement et la culture,
- miser franchement sur l'éducation, la police et le social,
- gérer sans les démunir la défense nationale et la santé.

Je vous laisse le soin de comparer ces préconisations à ce qui est pratiqué par l'entreprise France et son capitaine actuellement. Je ne suis pas sûr que la note que je lui attribuerai pour évaluer son niveau en marketing stratégique serait supérieure à la moyenne !..

Jim Y

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lundi 14 juin 2010

Faire confiance à l'équipe de France ? Pourquoi pas ?



En ces temps footballistiques, même si je ne suis pas fan de ce sport auquel je préfère le bien plus tactique Foot US, je m'intéresse au sort de l'équipe de France et à ses chances de réussite au Mondial 2010. Ce thème constitue même un incontournable pour un blog dont le titre affiche ostensiblement le mot confiance. Car il s'agit bien de cela : les Français font-ils confiance à l'équipe de France et surtout doivent-ils et peuvent-ils lui faire confiance ? Pour répondre à cette question (et à tant d'autres !), les sciences sociales ont beaucoup à nous dire. En effet, plusieurs grilles de lecture nous permettent d'apprécier la position du supporter de l'équipe de France, au travers notamment des concepts suivants (1) :
- la vulnérabilité,
- l'intérêt commun
- l'incertitude,
- l'encastrement,
- le capital social.

Considérons chacun de ces points.

La vulnérabilité.
Si l'on considère le concept de vulnérabilité, tel qu'il a été défini par H.S. James Jr (The Trust Paradox, 2001), la confiance repose sur l'espérance du supporter que l'équipe de France ne profitera pas de sa situation de vulnérabilité (il n'a aucune prise sur le match) pour le tromper. Ainsi, la défiance du supporter consisterait ici en une protection, i.e. "je ne te fais pas confiance, ainsi je ne me mets pas en situation d'être déçu ou de souffrir d'un mauvais résultat" ; cette logique est assez proche de celle qui pousse à ne pas s'engager dans une relation amoureuse.

L'intérêt commun.
Le concept de confiance incorporée, que propose R. Hardin (The Street Level Epistemology of Truth, 1993), relève d'une autre logique, posant qu'un individu fait confiance à un autre individu ou à une institution parce que leurs intérêts sont communs. Dans cette optique, il est facile de suivre le supporter qui fait confiance à l'équipe de France dans la mesure où (normalement ?) leurs intérêts sont communs - les joueurs comme les supporters veulent que l'EDF gagne.

L'incertitude.
L'incertitude doit également être prise en compte pour déterminer le niveau de confiance que l'on doit accorder à l'EDF ; en effet, le succès de cette dernière est liée à un niveau de probabilité et donc, à cette distribution de probabilités doit correspondre une même distribution de niveaux de confiance ; c'est ce que nous indiquent les travaux de D. Gambetta (Can We Trust Trust ?, 2000). Cette acception de la confiance peut d'ailleurs être facilement mesurée en consultant la côte dont bénéficie l'EDF sur les sites de paris sportifs (actuellement = 18,00).

L'encastrement.
M. Granovetter (Economic Action & Social Structure : The Problem of Embeddedness, 1985)a quant à lui d'insérer et d'analyser la confiance autour de trois mécanismes : les institutions, les réseaux sociaux et une moralité généralisée. Ici, la position du supporter pourra se résumer en une sorte de panurgisme, par lequel il suivra la tendance, d'autant plus d'ailleurs que cette tendance sera légitimée par les institutions et par son entourage direct. Ce phénomène explique d'ailleurs en partie pourquoi on passe parfois par contagion d'une défiance généralisée à une ferveur partagée (cf. la coupe du Monde de 1998).

Le capital social.
Pour les culturalistes, et notamment pour R. Dore (Taking Japan Seriously, A Confucian Perspective on Leading Economic Issues, 1987), la confiance est un capital social qui se transmet de génération en génération ; ainsi, le supporter sera d'autant plus actif et positif vis-à-vis de l'EDF que son père l'était.

Evidemment, cette typologie est didactisée pour rentrer dans le cadre d'un billet lisible; je vous invite donc à lire les auteurs cités en référence. Quoiqu'il en soit, il y a fort à parier que parmi les lecteurs de ce billet, il y a des fans de foot. Ils pourront désormais honnir ou encenser l'EDF en connaissance de cause. Pour ma part, je continuerai à ne m'intéresser que de loin aux résultats du Mondial 2010, considérant que supporter une équipe juste parce qu'elle est française, ou allemande ou grecque (et non pas parce qu'elle est la meilleure techniquement et tactiquement) relève de certains sentiments qui ne sont pas loin de la xénophobie... Mais je sais que sur ce point, je fais figure de Don Quichotte !

Jim Y


(1) Je reprends ici la typologie afférente à la confiance élaborée par Tarik Tazdaït dans son ouvrage "L'analyse économique de la confiance" dont j'ai proposé une note de lecture ici.

dimanche 13 juin 2010

Quelle matrice BCG pour la France ?



Aujourd'hui, c'est dimanche, alors faisons un peu de marketing pour changer. Je me suis amusé, dans le cadre de mes cours et lorsque j'évoquais la matrice BCG, à proposer à mes étudiants d'appliquer cette matrice à "l'entreprise France". Même si l'exercice est perçu comme galvaudé par les puristes du marketing, il m'a semblé assez riche d'enseignement pour l'évoquer ici.

Avant d'aller plus avant et de vous livrer mes impressions sur ce travail, je vous propose un petit rappel (ou une introduction pour les novices) concernant la matrice dite du BCG. Cette matrice, utilisée en marketing stratégique, a été proposée par le Boston Consulting Group afin de simplifier le diagnostic et les préconisations stratégiques relatives aux domaines d'activité stratégique d'un groupe. En effet, dès lors qu'une entité se trouve en situation de gérer plusieurs activités (Ex : Veolia, Hachette, Tata, etc.), la grande question qui se pose à l'équipe dirigeante est de savoir quels sont les domaines sur lesquels ils doivent investir et quels sont ceux qu'ils doivent abandonner, maintenir ou resegmenter ; l'idée est également de vérifier que le portefeuille d'activités de l'entreprise est équilibré. Ainsi, quatre grandes catégories de DAS (domaines d'activité stratégique) peuvent être identifiées, correspondant chacunes à des caractéristiques et des préconisations claires et opérationnelles :
- les vaches à lait sont les DAS du groupe pour lesquels il existe une situation de leadership ; ce sont des activités très rémunératrices, qu'il faut maintenir dans le portefeuile d'activités en limitant les investissements.
- les poids morts sont les DAS vieillis ou les échecs du groupe qui n'ont pas réussi à s'imposer sur le marché ; ils coûtent peu ou rien et peuvent être soit conservés (dans un but social ou pour gêner la concurrence) soit abandonnés.
- les dilemmes sont les DAS sur lesquels il convient de se positionner, car ils sont sur des secteurs en forte croissance, mais le groupe n'y est pas leader ; ainsi, la préconisation BCG est de les abandonner, d'investir fortement pour devenir leader ou de les segmenter pour en développer une partie seulement.
- les vedettes (stars) sont les DAS dont le marché est en forte croissance et pour lesquels le groupe est leader ; ils deviendront à terme les vaches à lait du portefeuille d'activités (lorsque la croissance du marché ralentira) ; la préconisation est ici de les maintenir ou d'y investir pour asseoir le leadership.
En image, la matrice BCG ressemble à ça.

Mon but n'est pas ici de vous faire un cours sur la matrice BCG, alors j'en viens au fait ; appliquée à l'entreprise France, la matrice BCG pourrait être représentée de la façon suivante (la part de chaque DAS dans le CA n'est pas prise en compte):


On aurait alors :
- La Santé et la Défense nationale classées parmi les vaches à lait,
- Le Social, l'Education/Formation, et la Police/Sécurité classés parmi les vedettes,
- La Recherche, l'Environnement et la Culture classés parmi le dilemmes,
- Le Sport et les Affaires étrangères classés parmi les poids morts.
Bien évidemment, ce classement est tout à fait sujet à débat, mais il me permet d'aller plus avant...

Ainsi, si l'on suit les préconisations de la matrie BCG, l'entreprise France devrait :
- éventuellement abandonner les affaires étrangères et le sport,
- faire des choix d'investissement, d'abandon ou de segmentation concernant la recherche, l'environnement et la culture,
- miser franchement sur l'éducation, la police et le social,
- gérer sans les démunir la défense nationale et la santé.

Je vous laisse le soin de comparer ces préconisations à ce qui est pratiqué par l'entreprise France et son capitaine actuellement. Je ne suis pas sûr que la note que je lui attribuerai pour évaluer son niveau en marketing stratégique serait supérieure à la moyenne !..

Jim Y

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Ma lecture du week-end - L'analyse économique de la confiance



Mes recherches actuelles me plongeant dans les méandres de la psychologie sociale et de l'économie expérimentale, je profite de mon blog pour signaler les ouvrages qui peuvent à mon sens être lus avec profit par un lectorat non initié, les articles de revues étant parfois abscons pour ce dernier.

Ainsi, j'ai eu entre les mains ce week-end l'ouvrage de Tarik Tazdaït, L'analyse économique de la confiance (De Boeck éditions).


Dans cet ouvrage, Tazdaït, chercheur au CNRS (théorie des jeux, économie internationale), propose au lecteur un regard sur les connexions existant entre l'économie et la psychologie sociale, par le prisme du concept de confiance.

Se voulant une synthèse,"L'analyse économique de la confiance" n'apportera rien de bien neuf à ceux qui ont déjà une bonne connaissance du champ de l'économie expérimentale ; ainsi, les premiers chapitres reviennent sur les définitions du concep de confiance et mettent en exergue la fameuse aversion pour l'inégalité de Fehr & Schmit, que C.H. (et d'autres) ont abondamment commentée (par exemple ici ou ). Je suis moins convaincu par la chapitre 2 qui tend à démontrer que la confiance est susceptible de s'analyser "hors institution". La parie la plus intéressante de l'ouvrage de Tazdaït reste à mon sens la dernière, qui traite des émotions et qui fait passer Gary Becker pour un... comment dirais-je ? un gros nul ?

Je ne vais pas plus loin dans l'analyse de cet ouvrage, qui constitue un bon outil d'introduction ou de vulgarisation, intelligemment sourcé et dont l'écriture est agréable.


JIM Y

samedi 12 juin 2010

Christine, Sarko, la mondialisation et la justice sociale



La polémique a fait rage en cette fin de semaine, mais j'étais occupé à autre chose, alors je prends le train en route... pour dire quoi ? Que je n'ai rien compris à cette histoire concernant Christine Boutin et sa mission à 9500 € par mois sur la mondialisation et la justice sociale !

Sans doute suis-je en train de me fourvoyer, mais il m'avait semblé que la question de la justice sociale avait été réglée par notre Président. Pour vous en convaincre, petit retour en arrière...

Depuis 2002 (date à laquelle l'UMP a pris les commandes), certaines mesures sont caractéristiques d'une certaine conception de la justice sociale ; ainsi en est-il :
- du bouclier fiscal,
- de la défiscalisation des heures supplémentaires,
- de l'allègement des droits de succession.

En effet, la lecture qui peut être faite de la conception de la justice sociale du gouvernement s'articule autour des quatre conceptions de la justice qu'a illustrées Hervé J. Moulin dans son ouvrage Fair Division & Collective Welfare. Yannick Bourquin avait déjà signalé cet ouvrage en mars 2010. Par le prisme de l'allégorie platonicienne de la flûte et des quatre enfants, il nous est expliqué que quatre conceptions de la justice distributive s'opposent, dès lors qu'on dispose d'une seule flûte et de quatre enfants à qui elle peut être donnée :
- la première consiste à donner la flûte à l'enfant qui a le moins de jouets (logique redistributive ou compensatoire),
- la deuxième consiste à donner la flûte à l'enfant qui a le plus de talents musicaux car il sera le plus à même de s'en servir (logique de l'efficience),
- la troisième consiste à donner la flûte au fils du propriétaire de la flûte, en tant qu'héritier légitime (logique statutaire),
- la quatrième consiste à donner la flûte à l'enfant qui a travaillé durement pour entretenir et réparer la flûte (logique de la récompense).

Pour en revenir à notre gouvernement, on remarque qu'il a clairement fait le choix des logiques statutaire et de la récompense. Ainsi, qu'en est-il de la "mission" de Christine Boutin ? Est-elle chargée de mesurer l'efficacité de ce choix ? Est-elle chargée de proposer une réorientation ves une autre logique ?

Au-delà de ces question, quel est le rapport entre la justice sociale et la mondialisation ? L'intitulé même de la mission ne pose-t-il a priori la mondialisation comme facteur d'injustice ? On nous avait déjà fait le coup avec le "Ministère de l'Immigration de de l'Identité Nationale", qui amalgamait deux termes posés comme antinomique de facto.

Quoiqu'il en soit, wait and see... Gageons qu'en termes de justice, les choses commencent mal pour Christine, qui malgré son statut, son travail, son talent et la perte de son Ministère de la Ville, ne pourra même pas se payer un pipot avec jouer avec ses amis (ex-amis ?) du gouvernement !


Jim Y

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Nexus or not nexus ?


Véritable antienne de l'espace médiatique et public, le débat sur les retraites fait rage, avec un peu plus d'acuité aujourd'hui que le sacro-saint "âge de départ à la retraite" est mis au centre du débat. Ce qui ne manque pas de m'étonner dans ce débat, c'est que d'autres mesures moins débattues semblent bien plus iniques que celle-ci parmi celles qui ont été actées et/ou envisagées. Qu'a de si particulier ce symbole ? Pourquoi tout se crispe dès lors qu'il est évoqué ?

Très perturbé par cette question (oui, vous me direz, il m'en faut peu !..), j'ai enfin entrevu la lumière vendredi 4 juin, grâce au séminaire animé par Sylvain Delouvée dans le cadre des rendez-vous du LPA, séminaire qui portait le titre, obscur au premier abord, de "Situation de crise et monnaie satirique : le concept de nexus d'hier à aujourd'hui". Je ne résumerai pas ici la démonstration menée durant les deux heures de ce séminaire, mais m'attacherai au concept qui en est le coeur et que je découvrais, celui de nexus.

Ce terme, consacré par Michel-Louis Rouquette, est défini par ce dernier comme la cristallisation de "nos émotions individuelles et [des] foules, sans que l'on se pose de questions". Ainsi, le nexus se définit comme un concept, un mot, une idée à laquelle on s'agrège sans discuter. Ainsi en est-il, selon l'auteur, du mot "nazi" ou du mot "OGM". Pour les lecteurs de ce blog qui pratiquent le marketing, il ne srapas sans rappeler le concept essentiel de positionnement.

Quel rapport avec la "retraite à 60 ans" me direz-vous ? Et bien celle-ci me paraît consituer l'un des nexus de l'économie, l'un de ces noeuds sur lesquels il est difficile de discuter et de débattre. Ainsi, de cette intuition, j'en suis venu à essayer de définir quels peuvent être les nexus qui jalonnent les sciences économiques. De cette divagation, sont ressortis les concepts suivants :
- la concurrence, objet de toutes les passions ;
- la dette publique (à propos de laquelle je signale au passage le très bon livre de Marc Bousseyrol : Vive la dette).

Je vous invite à me faire part des concepts ou des termes qui semblent à vos yeux consituer des nexus... Il y a fort à parier qu'on trouve les points sur lesquels l'économie... et les sciences humaine peinent à avancer !

JIM Y

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lundi 7 juin 2010

Ma lecture du week-end - Neuroéconomie



Malgré une recherche féconde, la neuroéconomie s’offre avec Christian Schmidt seulement son deuxième ouvrage en langue française. Je m’étais déjà intéressé, dans le cadre d’un travail personnel de recherche, aux travaux de cet auteur, relatifs notamment aux relations de l’économie avec la guerre. Dans ce nouvel ouvrage, Christian Schmidt propose au lecteur de l’initier aux concepts et au programme de recherche afférents à la neuroéconomie ; il entend montrer également que ce nouveau champ disciplinaire conduit à réviser plusieurs des concepts clefs de l’économie, dont notamment le concept de rationalité.

Ainsi, on trouve dans cet ouvrage, qui se veut une synthèse, une présentation de la neuroéconomie en guise de première partie ; celle-ci a le mérite d’être pédagogique sans être trop légère. On y retrouve l’attachement qu’a toujours porté Schmidt à l’histoire des sciences et à l’épistémologie. Toutefois, le principal intérêt que revêt cette première partie se trouve dans le chapitre 5 (Question de méthodes), en préambule duquel sont proposés quatre catégories de modèles permettant d’analyse la prise de décision ; ces quatre modèles répondent à quatre questions relatives au processus de choix raisonné :
 1 - « Quelle solution se trouve retenue par le (ou les) décideur(s) lorsqu’il(s) est(sont) placé(s) dans cette situation de choix ?
 2 - Quelle(s) est (sont) la (ou les) solution(s) logique(s) du problème posé par cette situation de choix au(x) décideur(s) ?
 3 - Comment le(s) décideur(s) se représente(nt)-t-il(s) cette situation de choix, qu’entend(ent)-t-il(s) par solution et quelles procédures mentales suiv(ent)-t-il(s) pour aboutir au choix de celle(s) qu’il(s) retient(nent) ?
 4 - Quels systèmes neuronaux sont activés, selon quelle(s) modalité(s), et avec quelle(s) intensité(s), pour conduire le(s) décideur(s) à cette solution ? »

Sur cette base, les quatre modèles proposés sont les suivants :




Ainsi, Schmidt remet en cause, à juste titre à mon sens, la thèse de Glimcher et Rustichini (2005) selon laquelle on pourrait effectuer une synthèse entre l’économie, la psychologie et la neurobiologie au sein d’une discipline unifiée dont l’économie fournirait le cadre conceptuel.
Christian Schmidt propose ensuite d’appuyer son propos par la mise en exergue des trois notions centrales de choix, de risque et de jeu. La question de la temporalité – question centrale chez Schmidt - est également incluse au raisonnement et lui donne le relief qui manque à nombre d’analyses, notamment dans le champ de l’économie comportementale.

En conclusion, car je m’efforce de respecter la forme courte qui prévaut pour un post, on ressort de la lecture de cet ouvrage avec une double impression : la neuroéconomie offre une perspective intéressante, à la marge de l’économie expérimentale, mais cette discipline marche sur des œufs et doit se construire avec une vigilance épistémologique accrue. Tout l’intérêt du livre de Christian Schmidt est d’avoir mis cela en exergue.

JIM Y

dimanche 6 juin 2010

Combien d'amis avez-vous ?



Après un petit trou d'air dû à un emploi du temps très chargé, je reprends le fil de ce blog, en m'interrogeant sur la question qui tarraude tous nos ados sur les réseaux sociaux : "Combien d'amis as-tu ?". A une époque pas si lointaine, pour se faire mousser, c'était autre chose qu'on mesurait (!!). Et oui, les temps changent...

Quoiqu'il en soit, ne disposant pas à titre personnel de compte sur un de ces fameux réseaux sociaux (Facebook, Twitter et autres Viadeo...), je me suis interrogé sur le nombre d'amis que j'avais. Et c'est là qu'est tout le problème, comment mesurer mon "social network" ? Dois-je me limiter à mes amis proches, ou à mes connaissances de manière générale ? A y regarder de près, il me semble (mais je ne suis pas le seul), que le terme "ami" utilisé sur Facebook est galvaudé. Il suffit pour s'en convaincre de compter le nombre d'amis d'Obama !..

En cherchant bien, j'ai trouvé un début de piste du côté des anthropologues, et notamment chez Robin Dunbar (1997), qui définit une connaissance comme une personne à qui on peut demander une faveur ou dont on se se souvient suffisamment pour aller boire un verre avec elle lorsqu'on la rencontre dans la rue. Sur cette base, il estime le réseau de connaissance moyen d'un être humain à 150 individus. En comparaison, il estime celui des macaques à 50 (et oui, je te sens frémir, toi lecteur qui n'a que 30 ou 40 "amis" sur Facebook !). Ces travaux ont été complétés et amendés par H. Russell Bernard, C. Mac Carthy et P. Killworth (1998) qui ont eu la bonne idée de demander à un échantillon d'Américains combien de diabétiques, de séropositifs, d'Indiens, etc. ils connaissaient, la proportion de ces groupes humains dans la population étant précisément connue ; leur estimation du réseau de connaissances est de 300 individus.

Pour résumer, à moins de 100 amis, vous êtes un primate ; au-delà de 300, vous êtes bien intégré socialement. Je me suis livré à une petité étude sur Facebook, concernant deux blogueurs dont j'apprécie particulièrement les blogs, Olivier Bouba-Olga et Yannick Bourquin.

Résultat :
OBO = 126 amis
YB = 212 amis

Bon, il y a encore du boulot pour vous intégrer les gars !



JIM Y...

mardi 18 mai 2010

Et si le sport rendait heureux ?




On savait depuis la parution de l'ouvrage de Luc Collard (Violence et agressivité, 2004) que le sport rendait agressif ; on savait depuis 2001 et les travaux de Kisou Kubota qu'il rendait intelligent (même si on en doute quand on a assisté au moins une fois à une "troisième mi-temps" !) ; il aurait même la vertu de réparer les dégâts de l'alcoolisme. Ses défenseurs essayaient même de nous convaincre qu'il rendait heureux, sans trop y parvenir, sauf peut-être un certain 12 juillet 1998.

Et bien une étude récente de Georgios Kavetsos, chercheur au Collège impérial de Londres, leur donne enfin raison, en démontrant que le sport rend heureux ; sous le titre "National well-being and international sports events", Kavetsos s'est intéressé à la corrélation dans plusieurs pays entre bonheur et organisation de menifestations sportives.

Quels sont les points saillants de cette enquête ?

Le fait d'organiser une manifestation sportive a plus d'impact positif sur le bonheur que le fait de gagner ; d'ailleurs, les habitants des pays ayant remporté une médaille de bronze sont plus heureux que ceux ayant remporté une médaille d'argent (sans doute ce derniers sont-ils frustrés alors que les premiers savourent leur récompense acquise de justesse ?).

Ainsi, afin d'aider le gouvernement français à faire passer aux Français le cap de la rigueur (qui selon lui n'en est pas une, non ! non ! non !), je vous encourage à aller voter pour que la France organise l'Euro en 2016 (l'Euro, c'est une compétition de foot pour les ignares). Peu importe que la France gagne, l'important, c'est de participer, comme disait l'autre...

mardi 11 mai 2010

Jacques Friggit, nouveau messie de l'immobilier ?



Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Jacques Friggit est un économiste français, spécialiste du secteur immobilier, actuellement chargé de mission au CGEDD. Si j'en parle aujourd'hui, c'est que les travaux de cet économiste font depuis quelques temps l'objet d'une mode, que ce soit dans les media, ou sur internet, notamment via le site bulle-immobilière, qui en fait son nouveau messie.
Ses travaux sont la plupart synthétisés par la courbe qu'il publie régulièrement, appelée "courbe de Friggit", dont la version de mars 2010 est la suivante :



Ses travaux sont repris par les media, par les blogs et autres forums de la façon suivante :
- Les prix de l'immobilier à long terme sont corrélés au revenu disposnible des ménages
- L'indice des prix de l'immobilier devrait se situer dans un "tunnel" autour de cet indice de revenu
- La situation étant "hors-tunnel" actuellement, on devrait assister à une correction des prix de l'immobilier de 30 à 40% d'ici quelques années.

Comme souvent lorsque la mariée est trop belle, il faut aller voir sous le jupon ; je me suis donc intéressé aux publications de Jacques Friggit, pensant que rien ne vaut de lire l'auteur dans le texte. On trouve d'ailleurs sur le site du CGEDD une publication très récente, intitulée "le prix des logement sur le long terme".

De cette lecture découlent les commentaires suivants .

N'en déplaise à certains, le travail de Friggit est un travail sérieux, fouillé, et mené intelligemment en prenant en compte de nombreuses données, et pas seulement le revenu des ménages.

Contrairement à ce que j'ai pu lire par ailleurs, Friggit ne joue pas les prophètes, mais fait de la prospective, avec les réserves que cela implique. Il écrit d'ailleurs à la page 91 de son étude : "On conclura en rappelant que le futur n’est pas certain, et qu’à toute prospective est associé un aléa". Il ajoute, à la même page : "Même dans le cas des actions, pour lesquelles on dispose de régularités sur deux siècles, le prix futur ne peut être prédit que sous forme d’une distribution de probabilité. Dans le cas des logements, la brièveté (moins de 45 ans) de la période passée sur l’observation de laquelle une prospective peut être fondée rend cette dernière encore plus difficile. L’incertitude sur l’évolution future du prix des logements constitue une composante considérable du risque
associé à toute décision en la matière. Il appartient à chacun d’apprécier et de gérer ce risque au vu de ses objectifs et de ses moyens. Connaître le passé semble indispensable pour y parvenir
".

Le focus mis sur la corrélation entre revenu des ménages et prix de l'immobilier est lui-même relativisé puisqu'on peut lire que "de nombreux autres phénomènes entrent en jeu, à commencer par ceux qui causent la forte autocorrélation des variations annuelles du prix des logements, la hausse nourrissant la hausse et vice versa. La formation du prix des logements apparaît ainsi comme un phénomène complexe encore mal connu".

Finalement, c'est à la page 80 qu'on trouve non pas une prophétie mais des scénarii possibles (au nombre de six !).

Tout ceci me ramène à un échange que j'ai eu récemment avec C.H., auteur du blog "rationalité limitée", concernant l'utilité de lire les auteurs dans le texte. Cela me paraît fondamental pour les comprendre et pour ne pas les caricaturer.

lundi 10 mai 2010

Bourdieu l'éternel...




Un billet juste en passant pour vous signaler cet ouvrage, que je viens de terminer :
"Le sociologue et l'historien" (Pierre Bourdieu & René Chartier).

On peut ne pas aimer Bourdieu, pour son côté (trop ?) engagé ou pour toute autre raison ; pour ma part, je ne peux m'empêcher d'admirer la puissance et l'originalité de sa réflexion.

Concernant ce livre, il retranscrit une série d'entretiens qu'a eus René Chartier avec Pierre Bourdieu en 1988. On y retrouve un Bourdieu pré-1995, qui n'est pas encore le Bourdieu engagé de "Contrefeux" et de "Sur la télévision". Dans cet ouvrage, c'est le Bourdieu de "La distinction" qu'on écoute en filigrane et on (re)découvre avec bonheur qu'il était aussi un intellectuel plein d'humour et d'ironie, pas encore prisonnier de son personnage...

Une lecture évidemment à recommander !

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Les banquiers sont-ils naïfs, incompétents ou malhonnêtes ?




Oui, je me doute que vous avez tous votre réponse à cette question... mais je livre à votre sagacité cet exemple ; la semaine dernière, expliquant à mes étudiants de L3 la pratique consistant pour les banques à adosser des ressources à court terme à des emplois à long terme, j'évoque la question des taux, leur précisant que cette pratique repose sur deux principes :
- un taux d'emprunt est d'autant plus élevé que l'engagement est long (idem pour le taux derémunération de l'épargne),
- pour la même durée, un taux d'emprunt est supérieur à un taux de rémunération de l'épargne (sinon il suffirait pour gagner de l'argent d'emprunter pour placer !)

A ce moment, un étudiant m'interpelle et m'indique que parfois, il est pourtant plus intéressant d'emprunter que d'utiliser son épargne ; je lui réponds qu'effectivement, en termes de risque et de disponibilité des fonds, cela peut être judicieux, mais que si on ne tient compte que du coût/gain comparé, cette démarche ne tient pas la route. Et mon étudiant (décidément tenace et déterminé... pour une fois !) de me répondre que la démonstration inverse lui a éé faite par l'un de se formateurs (des intervenants extérieurs, banquiers ou assureurs, assurent certains cours dans le cadre de cette L3). Je lui demande donc de venir me refaire cette démonstration, mais là, problème, il ne se rappelle plus les tenants de celle-ci (tenace et déterminé, mais pas beaucoup de mémoire le garçon !).

N'étant pas encore moi-même atteint par le syndrome d'Alzheimer, je tente de raviver mes souvenirs d'ex-banquier, lorsque mon n+2 (c'est comme ça qu'on appelle celui qui est au-dessus de votre chef et qui est deux fois plus bête que vous !) essayait lui aussi de me montrer qu'il était plus intéressant de vendre un crédit à un client que de le laisser utiliser son livret A pour s'acheter sa Twingo.

Je vous livre donc cette démonstration...
Prenons l'exemple de Régis, qui veut acheter une Twingo à 5.000 EUR ; deux possibilités s'offrent à lui :
- ponctionner son contrat d'assurance-vie, rémunéré à 4%,
- faire un prêt, mettons sur 5 ans, à 6%.
Sur la base de cette alternative, on arrive à un coût de 800 € pour le prêt et à une rémunération de 1080 € pour l'épargne... "Et encore, Monsieur le client, je n'ai pas compté les frais afférents au contrat d'assurance-vie (frais de gestion, imposition, etc.)"
Cette différence acquise à l'avantage du prêt s'explique par le mode de calcul des intérêts (au jour le jour pour l'assurance-vie et mensuellement pour le crédit).

Bon, mettez-vous à la place de Régis (et de mon étudiant)... C'est édifiant, non ! Pourquoi se séparer de ces 5.000 EUR durement épargnés ?

Réponse : parce que le raisonnement, pour séduisant qu'il soit, est totalement fallacieux ; en effet, hormis les frais associés au prêt (dont n'a pas parlé le gentil banquier), un élément fondamental a été omis : si Régis fait un prêt, il va devoir payer 97 € par mois pour le rembourser (et se retrouvera au final avec 6.080 EUR (son épargne actuelle + les intérêts acquis). Pour être honnête, le banquier aurait dû comparer cette situation avec l'utilisation par Régis de son épargne pour acheter sa Twingo ET avec le placement de 97 € par mois sur son contrat d'assurance-vie pendant 5 ans ! Dans ce cas, Régis se retrouvera au bout des 5 ans avec 6.440 EUR (frais exclus).

On a donc ici un différentiel de 360 EUR, au profit de la solution "utilisation de l'épargne" !..

Quelle est la morale de cette histoire ? elle est double :
- il est inquiétant de voir qu'une démonstration aussi nulle puisse impressionner un étudiant de L3, qui plus est un éudiant qui depuis trois ans effectue un contrat en alternance dans un établissement financier (banque à distance) ;
- on se demande si les banquiers qui font cette démonstration le font en sachant qu'elle est fallacieuse ou s'ils y croient eux-mêmes (ayant côtoyé longuement ces gens, je pencherais pour la deuxième option).

Quoiqu'il en soit, tout ceci donne un éclairage inquiétant sur la situation économique actuelle, car tous semble indiquer que les comportement aberrants constatés sur les marchés financiers vont pouvoir perdurer, tant par malhonnêteté que par bêtise !

Voilà, c'était ma leçon de morale du matin...
A demain !

jeudi 6 mai 2010

Croire en Dieu, c'est rationnel & cool...




La philosophie m'intéresse beaucoup et notamment l'une des grandes questions de la métaphysique : Dieu existe-t-il ? A cette question, point de réponse satisfaisante... ON se borne à un "ptêt ben qu'oui, ptêt ben qu'non"... Et moi, l'alternative, ça me donne des envies de calculs probabilistes. Alors allons-y, essayons d'analyser la croyance religieuse en termes d'espérance mathématique.

Pour ceux que les probas horripilent, rendez-vous à la fin de ce billet qui vous dira quelle stratégie adopter !

Prenons un individu X, à qui se présente l’alternative suivante : croire (A) ou ne pas croire (B) en Dieu. Supposons que le choix A représente un coût certain en termes de contraintes religieuses à respecter (rites, interdits alimentaires, vestimentaires, comportementaux, etc.) et de temps consacré au culte ; supposons également que la non croyance représente, elle un coût nul en termes de contraintes. De même, dans cette situation, on a un gain nul pour B et un gain aléatoire pour A ; si Dieu existe réellement, le croyant aura tout gagné (paradis ou valhalla ou ?..) et si Dieu n’existe pas, il n’aura rien gagné.

Ainsi, la croyance en Dieu relève d’un choix rationnel reposant sur le calcul d’une espérance mathématique. Je m’explique :
Le joueur A a une espérance mathématique de zéro (aucun gain espéré, aucun coût engagé).
Le joueur B, en revanche, a une espérance mathématique qui va dépendre :
- du bonheur attendu de l’accès au paradis (comment l’évaluer ?)
- de la durée de sa vie (plus elle est longue, plus les contraintes seront subies longuement)
- de l’évaluation du coût des contraintes.

Prenons un exemple :
Si on estime le gain retiré de l’accès au paradis à 1 000, et le coût annuel des contraintes imposées au croyant à 10, on a, pour un individu qui vivra 60 ans (considérons qu’il subit les contraintes religieuses à partir de 11 ans) ; si l’on considère que la probabilité de l’existence du paradis est de 1/2, on obtient :
E = (1 000 / 2) – [(10 x 50) / 1] = 0

Evidemment, le problème ici est d’évaluer quantitativement le coût et le gain… Cette évaluation relève de chaque individu, mais cette démarche appelle toutefois quelques commentaires.

Premièrement, on constate que plus la vie est longue, plus l’espérance mathématique baisse ; il peut donc être rationnel de commencer à croire assez tard dans sa vie. En effet, celui qui s’est converti à 50 ans aura le même accès au paradis que celui qui est croyant depuis l’enfance, non ? A l’extrême, le plus rationnel serait de se convertir sur son lit de mort (coût = 0 / gain = 1000). Cependant, cela pose le problème des morts brutales, mais la probabilité de cet évènement (mort inopinée) pourrait être intégrée à notre calcul d’espérance mathématique.

Deuxièmement, le choix de la religion est important, puisqu’elles n’imposent pas toutes les mêmes contraintes ; plus le culte est libre et non contraignant, et plus l’espérance mathématique est grande, en considérant que le paradis (ou appelez-le comme vous voulez) est autant source de bonheur dans toutes les croyances. Notons également que la pratique d’un même culte varie d’un individu à l’autre (certains musulmans par exemple boivent de l’alcool ou non, pratiquent le ramadan ou non, de même que certains individus se disent catholiques sans aller à la messe ni pratiquer le carême).

Certains me diront que mon analyse est imparfaite (ce dont je conviens) car elle n’intègre pas :
- le gain retiré de la non croyance (liberté, etc.),
- le gain retiré de la pratique religieuse (partage, moins de doute, etc.),
- le coût associé à la non-croyance (persécutions des athées dans certains pays, etc.),
- certains coûts associés à la croyance (stigmatisation).

A ceci je réponds qu’ils doivent évidemment être intégrés dans le calcul d’espérance mathématique de chaque individu, sur la base de la démarche que je viens d’exposer.

Pour conclure, il conviendra de retenir de ce billet qu’il est rationnel de croire en Dieu (on ne sait jamais), mais le plus tard possible et par le truchement de la religion la plus cool !..

L'infidélité enfin légitimée (presque-suite !)

J'avais envisagé de poursuivre mon billet sur l'infidélité en la passant à la moulinette des critères de choix social, mais Yannick Bourquin, "l'homme qui vous ferait presque aimer l'économétrie" a déjà commis cette analyse (quand je vous dis que les économistes, ça parle de tout !). Je vous renvoie donc à son billet...

Pour ma part, je m'en vais, penaud, me rabattre sur la religion pour mon prochain post... Je sais, c'est moins funky que le sexe, mais au moins tout aussi pervers !


...

Mea Culpa...

Bon, ça commence bien ce blog ! Deuxième billet et déjà à côté de la plaque...

Je m'explique : J'ai émis ici un post concernant une "étude" réalisée par Patrick Artus concernant le phénomène d'américanisation. Je qualifiais ce travail de déplorable, et il l'aurait été, si ça n'avait pas été un poisson d'avril !

Eh oui, même les économistes ont de l'humour !

Ce qui me rasssure, c'est que Patrick Artus lui-même se soit déjà trompé ; il a d'ailleurs fait lui aussi son mea culpa en 2009.

Quoiqu'il en soit, toutes mes excuses Patrick... Pour me faire pardonner, je vous renvoie à ce très bon papier , publié le 30 mars 2010 (pas de risque de poisson !).

mardi 4 mai 2010

L'infidélité enfin légitimée !

Flânant régulièrement sur le net, je parcoure souvent des blogs traitant d’économie ; je suis interloqué par cette capacité des économistes à analyser tout et n’importe quoi avec les outils de l’économie. Ainsi en est-il du sport, du mariage ou de la criminalité ! Loin de moi l'idée d'affirmer que toutes ces analyses sont à côté de la plaque, bien au contraire... et pour vous convaincre, je vous renvoie à la lecture de l'excellent livre "Sexe, drogue... et économie", écrit par les bloggeurs d' "Econoclaste".
Puisque tout le monde s'y met, allons-y également et prenons comme base une idée que je reprends au plus grand de nos intellectuels en maillot de bain, Franck Dubosc (On a les références culturelles qu'on peut !). Dans l'un de ses sketches, il légitime l'infidélité par l'argument suivant (je résume) :
Puisque les femmes sont plus nombreuses que les hommes sur terre (1,05 naissance de femme pour 1 naissance masculine + espérance de vie plus longue dans beaucoup de pays), afin que tout le monde ait droit à l'amour, il faut bien que certains hommes s'occupent de plusieurs femmes ! Le raisonnement est imparable, mais toutefois, ne l'essayez pas avec votre femme au retour d'un 5 à 7 (y en a qui ont essayé !!!!), les femmes ont un côté irrationnel qui fait qu'elles sont réfractaires à tout raisonnement logique...
Alors aidons Franck à donner plus de poids à cette intuition.
Tout d'abord, si l'on se réfère à l'étude menée par l'endocrinologue Kristen Navara, de l'Université de Georgie (États-Unis), on constate que l'image du macho tropical a une légitimité. En effet, la part prépondérante des filles dans la population étant plus marquée dans les Tropiques, la part d'homme infidèles doit y être également plus élevée. Toutefois, la rigueur nous imposerait de mesurer ce taux d'infidélité pays par pays, mais je n'ai aucune étude sur ce point (je suis preneur si vous en détenez une), mis à part quelques statistiques fournies par Yvon Dallaire.
Notons également que seules 7 à 8 % des espèces animales sont monogames ! De plus , selon Jared Diamond, l'infidélité masculine serait génétique...
Du point de vue de l'économie maintenant, l'infidélité peut être abordée sous différents angles. Le premier relève du calcul coût/avantage. L'utilité retirée de l'infidélité est plus grande chez l'homme que chez la femme, si l'on suit Jared Diamond ; en revanche, le coût est moins grand, dans la mesure où l'organisation de notre société donne plus d'occasions faciles à un homme de tromper sa femme que l'inverse (plus d'activité professionnelle, donc plus d'occasions de se faire un petit 5 à 7 !). De même, l'infidélité masculine est plus tolérée que l'infidélité féminine (vous savez, le petit coup en passant qui ne mange pas de pain, ça ne marche que pour les hommes). Le coût plus grand de l'infidélité pour les femmes s'explique aussi par ce qu'explique David Buss dans son livre Une Passion dangereuse: la jalousie ;sa thèse est que la jalousie, une émotion apparemment irrationnelle, est en priorité le fait des hommes, et que celle-ci serait une réaction adaptative rationnelle à l'incertitude perpétuelle de la paternité des hommes.

Bon allez, la suite demain...

lundi 3 mai 2010

Nicolas Georgescu-Roegen et Ronald Mac Donald : même combat?

Note (6 mai 2010) : Ce post a fait l'objet d'un mea culpa, dans la mesure où il critique une étude de Patrick ARTUS qui s'est avérée être un poisson d'Avril. Je ne supprime pas ce billet par honnêteté intellectuelle et pour assumer ma naïveté (sic !)

Sous le titre "Américanisation et croissance", Patrick Artus nous livre une étude économétrique indiquant que l'américanisation nuit à la croissance.
Et oui, ami lecteur, tu as bien lu !!! Et en bon partisan de la décroissance que tu es, tu te réjouis, assis derrière ton bureau, éclairé par ta lampe de bureau à led.
Pourtant, à y regarder de plus près, on ne peut que réitérer les réserves qu'appelle l'utilisation de l'économétrie en sciences économiques ; je renvoie les fans d'analyse économique que vous êtes aux critiques adressées à la formalisation économique par Lucas, Von Mises ou Galbraith.
Concernant cette étude, le reproche à adresser concerne le choix des trois variables choisies pour caractériser l'américanisation :
- la consommation de coca-cola par habitant,
- le nombre de restaurants Mc Do par million d'habitants,
- le chiffre d'affaires par tête des films américains.
En effet, comme souvent en économétrie, rien n'est dit sur le choix de ces trois variables ; pourquoi ne pas avoir retenu la consommation de chewing-gum ou la présence de mots anglo-saxons dans la langue du pays ou la part de séries TV US dans les programmes nationaux ?
L'américanisation est un phénomène polysémique et protéiforme, comme l'avait déjà montré Richard Kuisel en 1990 ; elle touche non seulement notre consommation, mais également nos revenus, nos modes de pensée, nos styles de vie, nos pratiques économiques, politiques, organisationnelles.
Il aurait fallu modéliser tout cela pour que l'étude de Patrick Artus soit pertinente ; sans doute n'est-ce pas possible ? Ou peut-être les résultats n'auraient-ils pas été aussi "vendeurs" en termes de buzz ? En effet, cette étude sera sans doute reprise dans beaucoup de blogs et d'articles avec un angle tout trouvé, dont Gizmo nous fournit un exemple ici.
Loin de moi l'idée de défendre le modèle américain, mais il me semblait que les résultats de cette étude devaient être remis à leur place. C'est (modestement) chose faite !
Sur ce, je m'en vais participer moi aussi à la décroissance en buvant un Coca light et en mangeant un Big Mac, tout en regardant le DVD d'Avatar...

vendredi 30 avril 2010

Agences de notation, confiance et responsabilité

J’avais envisagé de débuter ce blog par un post afférent au principe de précaution – corollaire à mon sens du principe de responsabilité. L’actualité m’oblige à changer mes plans, tant elle colle au thème de ce blog ; cette actualité concerne la dégradation de la note attribuée par les agences de notation, et notamment Standard & Poor’s à la Grèce, au Portugal et à l’Espagne.

Pour les « bleus » en économie, petit rappel très synthétique concernant ces notations… Trois agences font aujourd’hui la pluie et le beau temps dès lors qu’il s’agit d’apprécier la solvabilité financière des entreprises et des Etats : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings. Elles leur attribuent des notes, allant de AAA ou Aaa (Sécurité maximale) à DDD ou D (Défaut). Les marchés, qu’on nous dit clairvoyants (retenez ce mot !) et efficients dans leurs raisonnements, s’appuient très (trop ?) largement sur ces notes pour conduire leurs stratégies d’investissement – pour résumer, elles prêtent moins cher et beaucoup à ceux qui ne présentent aucun risque et très cher et très peu à ceux qui présentent un risque de défaillance.

Avant de poursuivre, pour les « bleus » en histoire économique, petit rappel concernant la clairvoyance de ces agences de notation… Quatre jours avant la faillite d’Enron, ces trois agences lui octroyaient encore une excellente notation ; elles n’ont pas vu venir – ou pas voulu voir venir ? - non plus la faillite de Lehman Brothers !

L’objet de ce post n’est pas de refaire l’historique de ces faits d’armes, ni d’achever la bête – d’autres s’en chargent bien mieux que moi ; mon but est de soulever ici plusieurs questions que révèle ce « scandale des agences de notation » :
- D'où ces agences tirent-elles leur légitimité ?
- Quid de leur indépendance ? de leur objectivité ?
- Sont-elles compétentes (bon, ok, à cette question la réponse est facile !) ?

Répondre à ces questions nécessite à mon sens - mais peut-être est-ce une déformation professionnelle - de rappeler que la théorie économique fournit des grilles de lecture intéressantes pour apprécier cette situation. Ces grilles sont celles qui placent l'incertitude, les asymétries de'information, la rationalité et le mimétismeau centre de leurs analyses. On ne rappellera jamais trop, à ce titre l'importance du chapitre 12 de l'ouvrage majeur de J.M. Keynes (Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie), que C.H. souligne dans son excellent blog. Il y évoque l'allégorie du concours de beauté, qui explique à mon sens parfaitement la situation dans laquelle se trouvent actuellement les investisseurs, situation toutefois biaisée par le fait que des agences de notation leur dictent ce que doit être leur position. Ceci devrait être à leur avantage, et la théorie de l'agence ne nous dit pas autre chose (agences de notation = réduction des phénomènes de sélection adverse et d'aléa moral). Pourtant, force est de constater qu'elles ne participent pas à l'amélioration de la clairvoyance - je vous avais dit que ce terme était important - des acteurs.

Pourquoi ? Si elles peuvent agir sur la confiance - ou la défiance - des acteurs, les agences de notation ne peuvent se départir d'un devoir, celui de leur responsabilité économique et sociale. Or, les effets de leurs actes semblent être perçus par les agences de notation comme des externalités, faisant fi de l'évaluation de leur responsabilité. Il est assez amusant de constater, d'ailleurs, qu'elles ne se privent pas, en revanche, d'évaluer la RSE des entreprises. Ah... la fameuse fable de la poutre dans l'oeil !...


Ainsi, pour conclure ce post, je ne suis pas très optimistes quant aux tournures que prennent les évènements afférents à la crise initiée ar la situation de la Grèce. Je ne vois une porte de sortie que via l'action des institutions que sont les Etats et les Institutions Financières Internationales ; elles sont les seules capables de restaurer la confiance et d'intégrer dans leur réflexion la notion de responsabilité. Espérons qu'elles y intègreront également la notion de solidarité !

En attendant, j’attribue allègrement la note DDD aux agences de notation !


PS : Désolé pour les anti-kéynésiens primaires si ce post est trop marqué ! Promis, je ne le referai plus...