Note (6 mai 2010) : Ce post a fait l'objet d'un mea culpa, dans la mesure où il critique une étude de Patrick ARTUS qui s'est avérée être un poisson d'Avril. Je ne supprime pas ce billet par honnêteté intellectuelle et pour assumer ma naïveté (sic !)
Sous le titre "Américanisation et croissance", Patrick Artus nous livre une étude économétrique indiquant que l'américanisation nuit à la croissance.
Et oui, ami lecteur, tu as bien lu !!! Et en bon partisan de la décroissance que tu es, tu te réjouis, assis derrière ton bureau, éclairé par ta lampe de bureau à led.
Pourtant, à y regarder de plus près, on ne peut que réitérer les réserves qu'appelle l'utilisation de l'économétrie en sciences économiques ; je renvoie les fans d'analyse économique que vous êtes aux critiques adressées à la formalisation économique par Lucas, Von Mises ou Galbraith.
Concernant cette étude, le reproche à adresser concerne le choix des trois variables choisies pour caractériser l'américanisation :
- la consommation de coca-cola par habitant,
- le nombre de restaurants Mc Do par million d'habitants,
- le chiffre d'affaires par tête des films américains.
En effet, comme souvent en économétrie, rien n'est dit sur le choix de ces trois variables ; pourquoi ne pas avoir retenu la consommation de chewing-gum ou la présence de mots anglo-saxons dans la langue du pays ou la part de séries TV US dans les programmes nationaux ?
L'américanisation est un phénomène polysémique et protéiforme, comme l'avait déjà montré Richard Kuisel en 1990 ; elle touche non seulement notre consommation, mais également nos revenus, nos modes de pensée, nos styles de vie, nos pratiques économiques, politiques, organisationnelles.
Il aurait fallu modéliser tout cela pour que l'étude de Patrick Artus soit pertinente ; sans doute n'est-ce pas possible ? Ou peut-être les résultats n'auraient-ils pas été aussi "vendeurs" en termes de buzz ? En effet, cette étude sera sans doute reprise dans beaucoup de blogs et d'articles avec un angle tout trouvé, dont Gizmo nous fournit un exemple ici.
Loin de moi l'idée de défendre le modèle américain, mais il me semblait que les résultats de cette étude devaient être remis à leur place. C'est (modestement) chose faite !
Sur ce, je m'en vais participer moi aussi à la décroissance en buvant un Coca light et en mangeant un Big Mac, tout en regardant le DVD d'Avatar...
lundi 3 mai 2010
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Le problème économétrique n'est pas le choix des variables dites "proxy". Statistiquement parlant, le choix de quelle variable on utilise pour mesurer l'américanisation n'a pas beaucoup d'importance. Il suffit qu'elle soit suffisamment corrélée à ce qu'on entend par "américanisation".
RépondreSupprimerLe problème, c'est plutôt que la croissance dépend de variables qui sont corrélées avec la consommation de coca et de mac do et qui ne sont pas incluses dans la régression. Si par exemple le coca est un bien inférieur (on peut imaginer, par exemple, que quand le revenu baisse, les gens consomment moins d'alcool et plus de coca), on a une corrélation négative entre la consommation de coca et la croissance. Mais cette corrélation n'est pas causale, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas s'interpréter comme l'impact de l'américanisation sur la croissance.
J'ai cherché, mais apparemment, il n'y a aucune publication ni working paper sur cette étude. Tout porte à croire qu'il a fait ça en une demi-heure après sa pause déjeuner. Cette étude n'a aucune validité et Patrick Artus a beaucoup de culot d'affirmer que ses résultats sont "sans ambiguïté".
Si c'était si facile de faire de l'économétrie, je me demande pourquoi ça fait trois mois que je bosse sur un projet empirique. Ca me navre qu'un chercheur de sa renommée discrédite la recherche avec un travail aussi minable.
Pour rebondir sur votre remarque : je ne pense pas qu'il faille limiter l'usage de l'économétrie en économie, mais plutôt qu'il faut pousser les chercheur à faire de l'économétrie de qualité. Comme le disait Diane Coyle dans "The Soulful Science", la chute spectaculaire du prix des ordinateurs et l'accroissement de leur puissance dans le dernier quart du XXème siècle a permis une révolution en économie mais a aussi signé l'arrivée de beaucoup d'études empiriques de très mauvaise qualité.
Je souscris tout à fait à votre dernier argument, qui précise une idée que j'avais mal présentée. Je ne suis effectivement pas contre l'utilisation de l'économétrie, mais contre une mauvaise utilisation de l'économétrie.
RépondreSupprimerBon, je crois qu'on s'est fait avoir ! C'est un poisson d'avril.
RépondreSupprimerJ'ai passé une demi-heure à rédiger un billet incendiaire sur cette étude...
On aurait dû s'en douter :-)
Je commence par croire Ette Rodox..
RépondreSupprimerNous avons dû être des centaines de non économistes à lire cette étude et à mon avis nous n'avons pas été nombreux à nous laisser prendre tellement la blague était évidente. Les pays les plus riches sont ceux ou on consomme plus de coca etc mais aussi ceux qui croissent moins vite que les pays émergents qui, moins riches, moins globalisés, consomment moins de produits américains. C'est tout ce que montrait Patrick Artus puis il brodait avec humour sur ce que serait la croissance française sans coca ou mc do. En voyant des personnes en troisième cycle se faire avoir si facilement ou des professeurs agrégés ne même pas arriver à identifier l'origine du problème je trouve cela édifiant. Plus fort que BHL et son Botule (mais heureusement pour vous vous n'avez pas sa notoriété).
Et je ne veux pas jouer le chien de garde mais vilcoyote je vous trouve bien indulgent ce n'est pas à votre habitude et je n'imagine pas la giclée d'insultes que ce serait pris Ette Rodox s'il avait commis la même erreur grossière.
David
@] David :
RépondreSupprimerJe trouve également regrettable cette erreur (faute !) de ma part et de la part des quelques "co-mistakers" (Gizmo, Y. Bourquin).
Elle est sans doute le prix à payer pour la volonté (vanité ?) de réagir rapidement à des études parfois approximatives qu'il convient de dénoncer.
Je n'ai pas perçu l'énormité de la blague parce que je lis chaque jour des énormités !
Résultat : ARTUS = 1 / Jim Y = 0
Promis, je serai plus vigilant à l'avenir...
Pour conclure, j'espère que vous avez compris que mon billet exposait les failles & les incohérences du raisonnement présenté.
Mon erreur,comme celle de Y.Bourquin, a été de croire que Patrick Artus avait commis sérieusement cette étude, et non d'adhérer à la démonstration.